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BOUGER LES LIGNES - C. Galactéros

Colonisation : "Monsieur Macron, je suis un criminel..."

27 Février 2017 , Rédigé par Caroline Galactéros Publié dans #Politique, #Signaux faibles

Colonisation : "Monsieur Macron, je suis un criminel..."

Après les propos inqualifiables sur la colonisation d'un ancien ministre de la République qui prétend conduire la destinée de notre pays, je publie avec plaisir et émotion la lettre du docteur Philippe Paux, ancien médecin des Troupes de Marine et ancien médecin colonial. Les mots parlent d'eux-mêmes...

Monsieur Macron,

Médecin colonial, médecin des Troupes de Marine, je suis un criminel contre l’humanité, je suis un criminel contre l’humain. 

Par vocation petit garçon je rêvais d’aller soigner au fin fond de l’Afrique, de l’Océanie, de l’Asie. Adolescent puis jeune étudiant, de toutes mes forces, j’ai travaillé, bossé, trimé pour pouvoir soigner à travers le continent et porter la science pas seulement au pays des Bantous, mais partout dans le monde où la France était présente. Ma vocation, que j’ai assouvie depuis, était de rejoindre les ex-Colonies, sur les pas de mes glorieux Anciens à l'âge, comme le disait le médecin colonial Paul-Louis Simond, où l'esprit est exempt de préjugés, où les idées préconçues ne viennent pas contrarier la poursuite du vrai, à l'âge des élans généreux, à l'âge des enthousiasmes pour tout ce qui est vérité, lumière et progrès.

Mes héros n’étaient pas footballeur, chanteur, acteur, mais médecins coloniaux exerçant dans les conditions les plus extrêmes, dans ces pays tropicaux, sans la moindre politique ou infrastructure de santé, où sévissaient des guerres interethniques, le tribalisme, le féodalisme, l’esclavagisme, la famine, l’irrationalité, la pensée magique, les mutilations rituelles sexuelles ou corporelles et l’anthropophagie.

Je n’ai eu de cesse tout au long de ma carrière de médecin de la Coloniale, des Troupes de Marine, au sortir de l’illustre Institut de Médecine tropicale du Pharo à Marseille de représenter mes illustres Anciens, de sauver parfois, de soulager souvent, de servir l’humain toujours. Secourir était mon combat, sauver, ma victoire quelques soit l’Homme, de Mopti, de Bobo-Dioulasso, de Grand Bassam, de Bouaké, de Korhogo, de Brazzaville, de Bangui, de Ndjamena, de Moundou, de Bardai, de Hienghène, de Lifou, de Maripasoula, de Camopi, de Paramaribo, de Mata-Utu, de Tchibanga, de Brazzaville, et bien d’autres villages africains, sud-américains et océaniens.

Partout et toujours pour l’Humanité, j’ai soigné, soulagé et prévenu, à pied, à cheval, par le ciel, par les eaux des mers, rivières et rapides, dans les déserts, dans les montagnes, dans les forêts, dans les ruines d’un tremblements de terre, dans les tempêtes, dans le feu, sous le feu, mais jamais autant que mes Anciens qui ont pour beaucoup donné leur vie et parfois la vie de leurs proches.

Monsieur Macron, ayez un peu de respect, d’égard pour tous ces Hommes, pour vous criminels contre l’Humanité, mais en fait les premiers « French Doctors », la modestie et l’humilité en plus. Et comme le disait, il y a quelques années, le premier doyen de la Faculté de médecine de Dakar « Y a-t-il au monde plus petite équipe d'hommes ayant rendu plus de services à l'humanité souffrante? Y a-t-il au monde œuvre plus désintéressée, plus obscure, ayant obtenu de si éclatants résultats et qui soit pourtant ignorée, aussi peu glorifiée, aussi peu récompensée ? Qui peut prétendre avoir fait mieux, où, quand et comment? ».

Un peu d’histoire, Monsieur Macron. Tous ces Médecins coloniaux, mes héros, sont associés à ces maladies dont certaines ne vous sont pas connues et d’autres vous évoquerons probablement des souvenirs plus de voyages que d’Histoire, l’Histoire que vous bradez par clientélisme. Ces maladies sont parfaitement bien rapportées par Louis-Armand Héraut, historien de la médecine.

La peste, cette maladie tueuse qui élimina au XVe siècle un tiers de l'humanité et sema encore la terreur à Marseille en 1720. C'est le médecin colonial Alexandre Yersin qui, découvrit à Hong Kong le bacille qui porte désormais son nom. Quatre ans plus tard, à Karachi, le médecin colonial Paul-Louis Simond démontre le rôle vecteur de la puce du rat. Soulignons La mort héroïque en soignant des milliers de pestiférés du médecin major Gérard Mesny en 1911, lors de l'épidémie de Mandchourie. On ne peut oublier la mort tout aussi courageuse du médecin colonial Gaston Bourret en 1917 dans son laboratoire de Nouméa. Enfin ce sont les médecins militaires coloniaux Girard et Robic qui réussirent à mettre au point en 1932 à Tananarive un vaccin anti-pesteux efficace. 

La variole fit l'objet d'une lutte constante dès les premiers temps de la colonisation aussi bien en Afrique qu'en Asie. L'action sans défaillance du Service de santé des troupes coloniales a contribué de façon décisive à l'éradication de cette maladie effroyable qui, faisait en France 10 000 victimes par an à la fin du 18e siècle. La vaccination, qui se faisait au début de bras à bras fut grandement améliorée quand on put inoculer le virus à partir de jeunes buffles, créer des centres vaccinogènes et transporter, grâce à Calmette, lui aussi médecin colonial, la lymphe vaccinale en tubes scellés. 

La fièvre jaune, affection virale redoutée, endémique en Afrique et Amérique, fit des incursions dans les ports européens au XIXe siècle (20 000 morts à Barcelone). Elle fit de très nombreuses victimes dans le corps de santé colonial, comme en témoignent les monuments de Dakar et de Saint-Louis du Sénégal. Il faut attendre 1927 pour que le médecin colonial Laigret puisse obtenir un vaccin grâce au virus recueilli à Dakar sur un malade. Par la suite la vaccination par le vaccin de Dakar et le vaccin américain Rockefeller permit d'obtenir rapidement un contrôle quasi-complet de cette affection souvent mortelle.

Le paludisme, dont le parasite responsable, l’'hématozoaire, fut découvert par le médecin militaire Alphonse Laveran à Constantine en 1880. Le paludisme reste la principale cause de mortalité infantile sous les tropiques. Il faisait et fait partie du quotidien du médecin tropicaliste. Les premiers médecins qui s'acharnèrent à le combattre à travers son vecteur, le moustique, furent surnommés par les autochtones les "capitaines moustiques ». Le médecin colonial Victor Le Moal s'illustra particulièrement dans cette lutte anti- moustique à Conakry. 

La maladie du sommeil ou trypanosomose, parasitose particulièrement redoutable, atteint le système nerveux central en provoquant une apathie, des troubles du comportement et un état de délabrement organique cachectique extrême qui aboutit à la mort. Nombreux sont les médecins qui furent contaminés en la combattant, et parfois en sont morts. Cette affection dépeuplait en Afrique noire des régions entières. Elle fit très tôt l'objet d'études qui vont permettre au médecin colonial Jamot, grand nom de la médecine tropicale de développer son action.

La lèpre, une autre vieille connaissance, quasi disparue d'Europe, atteint la personne dans son apparence physique ainsi que dans sa dimension sociale. Marchoux va organiser la lutte contre cette maladie mutilante, lutte qui sera poursuivie et développée par le médecin général Richet en collaboration avec Daniel Follereau. De nombreux médecins coloniaux se consacreront à cette lutte difficile, dont Léon Stevenel qui isola le principe actif de l'huile de Chaulmoogra, seul médicament d'une certaine efficacité avant qu'apparaissent les sulfones. 

La méningite cérébro-spinale à méningocoque, endémo-épidémique en Afrique tuant encore et toujours des milliers d’enfants, dont certains dans mes bras, au Burkina-Faso à Bobo-Dioulasso, au Mali à Djenne, dans une zone que l’on nomme encore la ceinture de Lapeyssonie du nom d’un illustre médecin colonial qui a tant dispensé aux pays sahéliens et qui a transmis son savoir à des légions de médecins tropicalistes et à moi-même dans les années 80. 

Médecin colonial, je suis, médecin colonial, je reste, car chemin faisant je termine ma carrière dans un quartier multiculturel et je soigne hommes et femmes de 49 nationalités différentes dont de nombreux « colonisés ». Nous devons croire que le « criminel » que je suis, ne fait plus peur à toutes ces victimes de la colonisation tant ma patientèle est grande. Les « souffrances endurées », par la faute du « bourreau-tortionnaire » que je suis, ont été vite oubliées et pardonnées tant l’attachement de mes patients est profonde.

Mr Macron, votre insulte envers tous ces Hommes dont la devise «Sur mer et au-delà des mers, pour la Patrie et l'Humanité, toujours au service des Hommes » a toujours été respectée jusqu’à la mort pour certain, ne fait pas honneur à un homme qui pense pouvoir être un jour président. Je vous suis reconnaissant d'au moins une chose : si j'ai pu avoir quelque hésitation à vous écouter au gré de vos shows politiques, tant votre charme de beau-fils idéal, de prince charmant des banques d’affaire, de bonimenteur, discoureur et beau phraseur m’avait interpellé, vous m'avez définitivement libéré de cette faiblesse. Je vous laisse à vos fans, cadres urbains diplômés en communication ou en sociologie, geek asociaux et bobos aux vélos électriques, vous qui n’avez jamais été confronté par vos mandats inexistants ou par vos activités professionnelles à la misère et la pauvreté, à la souffrance, à la violence et la guerre, au communautarisme, à l’islamisme radical. Restez dans votre bulle et qu’elle n’éclate pas.

Monsieur Macron, bradeur d’histoire, j’ai la mémoire qui saigne.

Le Doc'

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L
Bonjour,<br /> Je connais un autre médecin et psychiatre qui s'appelle Frantz Fanon, et qui n'a pas le même discours... mais bon c'est un martiniquais, il a été blessé en 1942 en se battant du côté des français, il a travaillé en tant que médecin pendant la guerre d'Algérie où il recevait aussi bien les victimes de la colonisation que les bourreaux, fragilisés psychologiquement après avoir torturé les fourbes d'algériens. Je vous cite: "médecins coloniaux exerçant dans les conditions les plus extrêmes, dans ces pays tropicaux, sans la moindre politique ou infrastructure de santé, où sévissaient des guerres interethniques, le tribalisme, le féodalisme, l’esclavagisme, la famine, l’irrationalité, la pensée magique, les mutilations rituelles sexuelles ou corporelles et l’anthropophagie." et bien ces noirs ne sont vraiment pas civilisés... Votre rationalité est totalitaire et totalisante, votre culture est celle de l'intolérance, de l'incompréhension, de la condescendance. C'est l'Europe qui n'est pas civilisée!
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S
Tout d'abord, la "vérité" de Macron n'est pas destinée aux médecins coloniaux.<br /> Ensuite. Une seule question au valeureux médecin colonial. Accepterez vous pour votre pays et pour les français ce que le colonialisme a "apporté" aux pays colonisés ? Pesez votre réponse et réfléchissez à ce qui leur a pris d'abord.
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J
«Sur mer et au-delà des mers, pour la Patrie et l'Humanité, toujours au service des Hommes »<br /> <br /> Oui, beaucoup et sans aucun doute parmi les meilleurs d'entre nous ont fait leur cette devise. Cela distinguera à jamais la colonisation française de l'anglaise. Ne pas le voir, ne pas le savoir et insulter la générosité de ces hommes est écœurant. Mais je suis de ceux qui, disons de la droite des années 1880/90, étaient radicalement opposés à la colonisation. Pour des raisons (de philosophie) politique(s). <br /> Ma colère aujourd'hui va à cette classe médiatico-politique qui soixante ans après la décolonisation présente encore les peuples concernés en éternels mineurs victimes de leur tuteur d'alors!
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T
"Restez dans votre bulle et qu'elle n'éclate pas !" Très bien dit, bravo ! Le problème est que les électeurs sont stupides, notre classe politique indigente et le débat des idées inexistant. Terrifiant vide sidéral. J'ai bien peur que nous vivions actuellement le crépuscule de l'Europe, qui s'enfonce avec constance dans la "démocrassie"... Avant les "banlieues", c'est la classe politique toute entière qu'il faudrait nettoyer au Karcher !
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B
Entre 1810 et 1890, la population a diminué d'un tiers, par la guerre, mais aussi par la famine engendré par celle-ci. Dans les archives de l'armée française, on trouve les lettre de colonels et généreaux français qui écrive que les tribus se rendent les unes après les autres depuis que l'armée massacre les troupeaux et empoisonne les puits.... un tiers de population en moins. Si cela ne s'appelle pas un génocide, j'aimerais savoir ce que c'est. Alors, oui, la colonisation est un crime contre l'humanité, même si, une fois que les populations ont été asservies, on commence à leur apporter le développement !
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