Aéronautique militaire : les dividendes de la guerre en Syrie et en Irak
Pendant que Moscou mène en Syrie, sa première opération extérieure d’ampleur depuis la Guerre d’Afghanistan (pour un prix relativement soutenable de 1 à 2 milliards de dollars par an, pris en charge par le budget du ministère de la Défense), l’agence d’Etat russe chargée de l’exportation d’armements (Rosboronexport) engrange ce que l’on pourrait appeler des « dividendes de la guerre ». En 2015, les exportations d’armement russes devraient avoir atteint un record avec des livraisons estimées à plus de 15 milliards de dollars (ce qui permet à la Russie de rester à la seconde place mondiale, très légèrement devant la France qui a elle aussi atteint un record d’exportation grâce aux succès du Rafale de Dassault). Rosboronexport s’attend en 2016 à égaler les résultats de 2015, voire à les dépasser. La Russie peut en effet compter sur plusieurs avantages compétitifs :
La chute des prix des hydrocarbures qui a entraîné dans son sillage la monnaie russe. or, si la baisse du rouble engendre une inflation importante (jusqu’à maintenant relativement contrôlée) sur les biens importés, elle donne un avantage considérable aux industriels en matière d’exportation. Les ventes d’armement sont les premières à bénéficier de cette baisse de la monnaie.
L’indépendance souveraine de la Russie est un facteur important dans le marché très particulier des ventes d’armements. On sait sa signature fiable et sa détermination indifférente voire inversement proportionnelle aux pressions étrangères, ce qui n’est pas le cas d’autres fournisseurs... C’est une incitation forte à traiter avec Moscou pour des acheteurs qui s’engagent à long terme pour la plupart des contrats d’armements.
La campagne de Syrie révèle au grand jour la qualité des matériels russes utilisés depuis septembre 2015. Cette vitrine commerciale est sans prix, notamment pour les avions de chasse et bombardiers désormais pleinement à l’oeuvre contre toutes les factions islamistes et de plus en plus clairement contre l’Etat islamique lui-même.
De très bons résultats pour l’exportation de chasseurs et de bombardiers russes
En conséquence, la liste des commandes s’allonge pour l’industrie aéronautique russe. Voici quelques contrats récents qui illustrent sa bonne santé.
Le plus moderne des chasseurs russes, mis en service en 2012, le Soukhoï Su-35 Flanker-E (ultime version des chasseurs Su-27 Flanker) a connu son baptême du feu en Syrie. De génération “4++” ou “4.5”, il est l’équivalent de nos Dassault Rafale. Le 3 septembre 2015, l’Indonésie a annoncé l’achat de 16 exemplaires et la Chine le 19 novembre dernier, celle de 24 Su-35 pour 2 milliards de dollars. Pour le Su-35, c’est probablement le début d’une série de succès commerciaux si l’on en juge par les difficultés rencontrées par le développement des avions de 5e génération (cf. infra), qu’ils soient américains (Lockheed F-22 Raptor ou F-35 Lightning-II), russes (Soukhoï T-50 PAK FA) ou chinois (Shenyang FC-31).
Dans la vitrine syrienne de l’excellence technologique russe, il y a aussi le bombardier tactique Su-34 Fullback qui complète les frappes de l’ancien Su-24 Fencer, qu’il doit progressivement remplacer au sein de l’Armée russe. Rosboronexport vient d’annoncer la signature prochaine d’un contrat avec l’Algérie portant sur l’achat de 12 Su-34 dans la cadre d’un grand plan de modernisation de la flotte algérienne qui pourrait comprendre à terme l’achat de 40 nouveaux appareils. Une modernisation des anciens Su-24 est aussi envisagée par l’Algérie pour permettre aux bombardiers tactiques algériens d’égaler les Su-24 modernisés engagés par la Russie en Syrie.
Si la Russie compte sur le succès dans le temps de son nouveau Su-35, elle entend vendre encore pendant plusieurs années la version précédente de son chasseur multirôles, le Su-30 Flanker-C, succès considérable à l’exportation depuis 1996, qui bénéficie d’un prix d’appel sans équivalent sur le marché des avions de chasse. Depuis sa mise en service il y a presque vingt ans, le Su-30 s’est vendu à l’export à plus de 600 exemplaires, parfois sous licence, comme en Inde, et continue d’être modernisé en profitant des innovations de son grand frère, le Su-35. Une dizaine d’armées de l’air dans le monde utilisent aujourd’hui ce chasseur russe :
o Ainsi, l’Inde a annoncé le 10 février 2016 qu’elle souhaitait acheter sous licence 40 exemplaires supplémentaires du Su-30, ce qui porterait le nombre total d’exemplaires indiens à plus de 300. Ce choix illustre en creux la difficulté entre la France et l’Inde pour établir le contrat définitif concernant les 36 Dassault Rafale. Les négociations butteraient encore sur le prix : ces derniers pourraient coûter près de 8 milliards de dollars alors que les 40 Su-30 seraient vendus pour seulement 3 milliards de dollars. Or, l’armée indienne a besoin de moderniser sa flotte aérienne sans attendre.
o Le magazine National Interest a annoncé le 15 février 2016 que l’Iran serait très probablement le prochain client pour le Su-30 dans le cadre d’un contrat global d’armement de 8 milliards de dollars entre Moscou et Téhéran (comprenant des missiles S-400 – en plus des S-300 en cours de livraison – des hélicoptères, navires, sous-marins et systèmes anti-navires “Bastion” déjà présents sur le théâtre d’opérations syrien).
L’entreprise Soukhoï, qui fait partie du grand consortium OAK (United Aircraft Corporation en anglais), a su évoluer depuis la fin de la Guerre froide et ce sont précisément les exportations, notamment à l’Inde ou à la Chine, qui lui ont permis de franchir la difficile décennie 1990 durant laquelle le ministère russe de la Défense ne passa commande que d’un nombre très faible d’avions militaires. Elle est aujourd’hui en position de force pour vendre des avions de 4e génération à bas coût (Su-30) ou des avions de génération 4++ équivalents aux avions occidentaux (Su-34 et Su-35). Ceci lui permet de préparer son chasseur multirôles furtif de 5e génération, le T-50 PAK FA. La tournure opérationnelle positive de plus en plus manifeste de la campagne russe en Syrie (qui pousserait même désormais la “Coalition” occidentale à s’engager précipitamment pour la reprise de Raqqa à l’Etat islamique pour ne pas être évincée de la phase de négociation politique le moment venu) consacre largement cette réussite, tranchant avec les résultats assez piteux des guerres en Tchétchénie.
L’autre célèbre constructeur d’avions de chasse russe, Mikoyan-Gourevitch (les fameux « MiG ») n’est pas pour autant laissé à l’abandon par le consortium OAK :
Si MiG ne développe encore pas de chasseur de 5e génération (même si un projet intitulé Mikoyan LMFS serait en cours d’élaboration), le MiG-35 Fulcrum-F (amélioration ultime du Mig-29 Fulcrum, équivalent du Su-35 vis-à-vis du Su-27) devrait faire son entrée en service actif en 2016. Le MiG-35 ne connaît pas encore le théâtre des opérations en Syrie où ce sont des MiG-29, des Su-30 et des Su-35 qui assurent la maîtrise du ciel aux bombardiers et avions d’attaque au sol. Toutefois, le magazine Air & Cosmos a rapporté en septembre dernier le projet d’un achat par l’Egypte de 45 exemplaires de ces chasseurs. Aucune confirmation n’a été donnée depuis. Cette hypothèse peut étonner dans la mesure où l’Egypte vient d’acheter des Dassault Rafale et qu’elle dispose également de F-16 américains.
Mais elle s’éclaire, si l’on replace cette perspective d’un mouvement géopolitique egyptien visant à redevenir un partenaire stratégique et commercial pour Moscou qui marche désormais ostensiblement sur les plate-bandes américaines : ainsi, nos deux porte-hélicoptères de classe Mistral vendus au Caire après le gel du contrat avec Moscou seront équipés … des tout nouveaux hélicoptères de combat russes Kamov Ka-52K. Un considérable contrat de 50 hélicoptères Ka-52 et Ka-52K (le “K” correspond à la version navale dans les dénominations russes) qui peut expliquer la bonne volonté de Moscou dans la phase de négociation avec la France pour annuler le contrat Mistral passé sous la présidence de Nicolas Sarkozy et dénoncé par le président Hollande.
Mikoyan-Gourevitch travaille également sur la conception de l’intercepteur MiG-41 qui devrait remplacer le MiG-31 Foxhound, actuellement en service dans l’armée russe et dont les nombreux exemplaires sont pour certains en cours de modernisation.
Mikoyan-Gourevitch propose enfin une version navale de son MiG-29, le MiG-29K, qui devrait remplacer les Su-33 Flanker-D une fois que le porte-avions Amiral Kouznetsov aura été modernisé. MiG devrait également vendre un total de 52 MiG-29K à l’Inde pour équiper le porte-avions INS Vikramaditya et les futurs porte-avions de classe Vikrant.
Le gouffre financier et les déboires des avions furtifs de 5e génération
Les avions de 4e génération qui équipent actuellement la plupart des armées du monde ont été conçus dans les années 1970 et 1980. Ils connaissent encore des modernisations comme l’illustrent les Sukhoï Su-35 ou les Mikoyan MiG-35.
Mais depuis la fin la fin des années 1980, plusieurs pays travaillent sur des avions de chasse dits de “5e génération”. De manière succincte, disons que ces avions doivent posséder plusieurs qualités :
ils doivent être polyvalents et multirôles (pouvant servir à la fois de chasseur de suprématie aérienne, de bombardier, d’intercepteur, d’avion d’attaque au sol …) alors que les chasseurs de 4ème génération (Su-27 & MiG-29) étaient d’abord et avant tout des chasseurs de suprématie aérienne. D’autres avions servaient de bombardiers tactiques (Su-24) ou d’attaque au sol (Su-25).
ils doivent atteindre un haut degré de furtivité grâce à l’usage de matériaux composites;
ils doivent bénéficier d’une avionique très avancée pour réduire le plus possible le travail du pilote ;
ils doivent être “hyper-manoeuvrables” grâce à des moteurs à poussée vectorielle ;
ils doivent être armés d’armes téléguidées et de radars à antenne active (AESA en anglais) qui permettent de contrôler plusieurs cibles à la fois et d’augmenter considérablement leur fiabilité, leur précision et leur portée.
Tous les pays qui ont choisi de passer à des avions de cinquième génération semblent rencontrer des difficultés importantes, notamment face aux prix des appareils et au coût des programmes. Les premiers à se lancer dans ce projet ont été les Américains. Quand les Soviétiques lancent les Su-27 Flanker et les MiG-29 Fulcrum (premier vol en 1977 pour ces deux avions), les Américains se rendent compte que leurs F-15 et F-16 sont devancés sur de nombreux points, notamment en manoeuvrabilité. Ils se lancent alors dans le développement d’un nouvel avion de chasse. Ce sera le F-22 Raptor de Lockheed Martin, chargé de remplacer le F-15 et qui est considéré comme le premier avion de 5e génération. Il fera son premier vol en 1990 et sera mis en service en 2005 après de nombreux déboires. Sa production est aujourd’hui arrêtée : l’armée américaine dispose de 187 F-22 Raptor pour un investissement initial de 51 milliards de dollars et un coût unitaire de 360 millions de dollars ! Vitesse supersonique, hyper-manoeuvrabilité et furtivité ont un coût … prohibitif, même pour Washington.
Les Soviétiques se lancent eux aussi dans la course aux avions de cinquième génération, mais la chute de l’URSS gèle les programmes. Les programmes de Mikoyan et de Soukhoï vont néanmoins se poursuivre avec le Su-47 Berkut et le MiG 1.44. Le premier, rendu célèbre pour sa couleur noire et son aile en flèche inversée, fera son premier vol en 1997, mais restera à l’état de prototype. Le MiG 1.44 fera son premier vol en 2000, mais ne dépassera pas non plus le stade de prototype.
Pas de concurrence en vue, donc pour le F-22 Raptor alors que Lockheed Martin lance le projet d’un nouvel avion de 5e génération, le F-35 Lightning II destiné à remplacer les F-16. Ce chasseur multirôles est conçu en collaboration avec une dizaine de pays de l’OTAN et prévu pour être produit à plus de 2000 exemplaires. C’est le projet aéronautique le plus cher au monde : 396 milliards de dollars engloutis à ce jour. Le programme accumule retards et déceptions depuis son premier vol de 2007. Au point que le Pentagone, dans un récent rapport, commence à s’inquiéter. Des simulations de combat aérien rapproché ont également montré que le F-35 pourrait perdre face à des avions de la Guerre froide comme le F-16, le Su-27 ou le MiG-29, du fait de sa piètre manoeuvrabilité. Ce problème des avions de cinquième génération n’est pas nouveau : déjà le F-22 avait eu bien des difficultés à surpasser le Dassault Rafale lors de dog fights organisés en 2009. Lors, les partenaires des États-Unis pourraient réduire leur demande (comme la Norvège) voire sortir tout simplement du programme, comme l’a annoncé le (nouveau) Premier ministre canadien Justin Trudeau lors de sa campagne. Si de nouvelles mauvaises surprises ne surviennent pas, le coût unitaire du F-35 pourrait atteindre les 175 millions de dollars, un prix exorbitant si l’on songe que l’US Air Force possède actuellement près de 500 F-15 et 1300 F-16 (toutes versions confondues) dont beaucoup doivent rapidement être retirés du service.
Depuis la suspension des projets Su-47 et MiG 1.44, les Russes se sont lancés de nouveau dans le développement d’un chasseur de 5e génération, le Soukhoï T-50 PAK FA, qui a réalisé son premier vol en 2010 et dont la mise au service actif est prévue par les autorités en 2017. En réalité, les Russes font face aux mêmes difficultés que les Américains : même si Moscou parvient à résoudre les difficultés techniques encore nombreuses qui devraient retarder la mise en service du PAK FA, l’Armée de l’air russe ne sera pas en mesure de remplacer avant longtemps l’ensemble de sa flotte aérienne par des chasseurs de 5e génération. Le prix unitaire du T-50 (estimé à 100 millions de dollars) rend impossible une telle éventualité.
La Chine, qui essaie de rattraper son retard en matière de technologies aéronautiques, mène de front deux projets d’avions de 5e génération, le Chengdu J-20 (premier vol en 2011) et le Shenyang FC-31 (premier vol en 2012). Le premier, inspiré du projet MiG 1.44 abandonné par les Russes à la fin des années 1990 comme du F-22 pour son design, pourrait entrer en service en 2019, mais serait en réalité loin d’atteindre les qualités de furtivité propres à un chasseur de cinquième génération. Il s’agit pour les Chinois plutôt d’une étape que d’un aboutissement. Quant au J-31, il a déchaîné la colère des Américains à cause de sa ressemblance troublante avec le F-35 … Des hackers chinois auraient réussi en avril 2009 à pénétrer le système informatique de Lockheed Martin et ainsi à s’inspirer du joyau américain pour rattraper leur retard, lequel semble néanmoins encore très important. L’Inde a choisi une stratégie différente en s’associant au projet russe de T-50 PAK FA : le constructeur indien HAL indien produira ainsi le Fifth Generation Fighter Aircraft (FGFA) en collaboration avec Soukhoï. Les difficultés rencontrées par les deux constructeurs sont nombreuses : le programme accumule les retards et les surcoûts.
Changement de stratégie à Moscou : privilégier les meilleurs chasseurs existants ?
Un article passionnant de David Axe dans Reuters pose la question qui fâche : quid de l’avenir des avions de 5e génération si même les Américains peinent à équiper leurs flottes de tels engins ? Cette question est d’autant plus pertinente que les meilleurs avions de 4e génération possèdent encore un fort potentiel d’évolution, à l’image des Dassault Rafale, Su-35 ou MiG-35.
Dès lors, Moscou semble avoir changé de stratégie pour s’orienter vers l’achat de seulement quelques dizaines de Soukhoï T-50 PAK FA à moyen terme et l’acquisition d’un plus grand nombre de chasseurs de génération 4++ comme les Su-35 et les MiG-35, qui possèdent aujourd’hui, la furtivité exceptée, presque toutes les caractéristiques de 5e génération (radars AESA, poussée vectorielle, etc.). Comme l’écrit Carlo Kopp (du think tank australien Air Power) : « It would be fair to describe this aircraft (Su-35) as the pinnacle of current conventional-fighter design, (...) blending a superb basic aerodynamic design with advanced engine, flight control and avionic technology ». En 2009, le gouvernement russe a ainsi passé commande de 48 Su-35 et pourrait renouveler cette commande d’ici 2020. Un nombre important de MiG-35 seront probablement commandés cette année pour une livraison à partir de 2017. L’armée de l’air pourrait aussi acheter davantage de Su-30, qui ont déjà été déployés en Crimée dès 2014. Les Américains semblent avoir choisi la stratégie inverse : geler la modernisation d’escadrille de F-15 et F-16 pour investir davantage dans le F-35.
Le baptême du feu que connaît le Su-35 en Syrie et la mise en service prochaine du MiG-35 devrait laisser à Rosboronexport d’importantes marges de manoeuvre pour exporter davantage de chasseurs à l’avenir. Ces avions qui bénéficient de l’expérience de l’âge et du terrain, comme de nombreuses innovations propres à la 5e génération, pourraient jouer un rôle dominant encore longtemps sur la scène mondiale des avions de chasse. Ce qui est aussi le cas d’un certain Rafale …
La carte à jouer du Rafale
Si la France n’a pas encore officiellement lancé de programme de chasseur de 5e génération, Dassault se retrouve avec son Rafale dans une position similaire à celle de Soukhoï et Mikoyan avec leurs Su-35 et MiG-35.
Le Rafale est un avion de génération 4++ équipé de certaines des caractéristiques des chasseurs de 5e génération. Ainsi, selon le général Mercier lors d'une audition à la commission de la défense et des forces armées, « le Rafale, s’il fallait le qualifier comme relevant de telle ou telle génération d’avions – avec tout ce que cela a d’artificiel, (est) par bien des aspects un avion de cinquième génération plutôt que de quatrième génération ». Ainsi, le Rafale est multirôles (supériorité aérienne, attaque au sol, bombardement tactique et stratégique et même frappes nucléaires). Grâce à l’emploi de matériaux composites, le chasseur français est en partie furtif. Il dispose d’une avionique très avancée avec des commandes de vol électriques. Même si son moteur n’est pas équipé de la poussée vectorielle, il reste supermanoeuvrable grâce à son aile delta et ses plans canards (il s’agit de la surface portante placée à l'avant du fuselage, plus petite que l'aile principale placée à l'arrière). Enfin, depuis 2012, le Rafale est équipé du radar RBE2-AESA qui lui permet d’engager des cibles lointaines (c’est ainsi le premier avion européen à être équipé d’un radar à antenne active). Le réacteur M88 sans poussée vectorielle ne permet pas de classer le Rafale parmi les avions de 5e génération, mais l’entreprise Snecma a déjà annoncé qu’elle était capable d’augmenter la poussée du moteur s’il le fallait, sans pour autant devoir créer un nouveau réacteur. En tout état de cause, le Rafale de Dassault est considéré comme le meilleur avion de sa génération, surpassant ses homologues européens que sont l’Eurofighter Typhoon et le Saab Gripen. En 2012, un rapport de l’Armée de l’air suisse rendu dans le cadre de l’appel d’offre où concourraient ces trois avions classait très nettement le Dassault Rafale en première position. Ce fut pourtant le Saab Gripen qui fut choisi par le Conseil fédéral. Mais depuis, en 2014, les citoyens suisses ont rejeté, lors d'un vote, le plan de financement prévoyant l'achat de 22 Gripen pour 3,126 milliards de francs suisses. Le ministre suisse de la Défense a annoncé en 2015 que « l’achat de nouveaux avions de combat sera évalué dès 2017 ». Notre Rafale reste en course.
Le Rafale de Dassault n’excelle pas seulement sur le papier. Il a connu de nombreux théâtres d’opérations extérieures et a brillé sans équivoque. Son baptême du feu date de la Guerre d’Afghanistan lorsque six Rafale (dont trois version Marine) furent engagés le 12 mars 2007. En 2011, le Rafale est déployé dans l’opération en Libye faisant suite au vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies. Le chasseur multirôles réalise avec succès des missions d’attaque au sol et de bombardement. En 2013, c’est dans le cadre de l’opération Serval que des Rafale sont déployés sur la base aérienne de N’Djamena dans le cadre de missions de bombardement des rebelles islamistes. Enfin, depuis septembre 2014, le Rafale est utilisé en Irak dans le cadre des bombardements contre l’Etat islamique dans le cadre de l’opération Chammal. Des Rafale-M opèrent également depuis le Porte-avions Charles de Gaulle depuis février 2015. Les frappes françaises se sont étendues à la Syrie depuis la fin du mois de septembre dernier. Comme pour les chasseurs russes Su-30, Su-34 et Su-35, la guerre en Syrie et en Irak est une vitrine commerciale de choix pour notre champion.
Last but not least, considérant les déboires et surcoûts des avions de 5e génération américains et russes, le Rafale dispose du même avantage compétitif que les Su-35 et MiG-35. Les exportations de 24 Rafale en Egypte (février 2015), 24 Rafale au Qatar (mai 2015 avec une option pour 12 avions supplémentaires) et probablement 36 Rafale en Inde (la signature du contrat a été repoussée de plusieurs mois) pourraient être enfin, pour le chasseur de Dassault le début d’une longue et brillante carrière à l’export. Le retrait du Canada du programme F-35 souhaité par le Premier ministre Trudeau est une possible aubaine pour Dassault. De même, le contrat indien est en partie lié aux difficultés rencontrées par HAL et Soukhoï pour viabiliser le chasseur de 5e génération FGFA russo-indien. A plus ou moins court terme, le Dassault Rafale pourrait emporter un gros succès d’export aux Emirats Arabes Unis : les négociations sont entrées en phase finale pour une commande de 60 appareils. Le partenariat militaro-industriel entre la France et les EAU est ancien : l’Armée de l’air dispose de Mirage-2000 tandis que les Emiratis semblent particulièrement satisfaits de leurs chars AMX-Leclerc engagés depuis 2015 dans la guerre que mènent les puissances sunnites au Yémen.
Décidément, si les avions de chasse de cinquième génération ne sont pas encore opérationnels et pourraient finalement s’avérer trop onéreux, les meilleurs chasseurs de la génération précédente - Soukhoï Su-35 et Dassault Rafale en tête - ont un bel avenir devant eux, surtout s’ils continuent d’engranger les “dividendes de la guerre” actuellement conduite dans les airs par les puissances occidentales et la Russie.
A lire :
David Axe, It’s Russia’s turn to learn that stealth warplanes are hard to do, in Reuters, 20 janvier 2016.